Monday, August 04, 2008

Au clair de l'orchidée


Un jour que nous portions des fleurs, Yun et moi, Yang Pou-fan traça de nous un croquis d'une vérité frappante. Ce soir-là, la lune brillante projetait sur le mur blanc l'ombre délicate d'une orchidée. Spectacle d'une grâce ineffable ! Wang Sing-lan, émoustillé par la boisson, me dit : "Pou-fan a su faire de vous une esquisse ressemblante. Eh bien ! moi je sais peindre l'ombre des fleurs.

- L'image de la fleur sera-t-elle aussi fidèle que celle des personnes ?" lui demandai-je, narquois.

Pour toute réponse, Sing-lan prit une feuille de papier blanc et, l'appliquant au mur, y reproduisit l'ombre de l'orchidée en traits d'encre de Chine, tantôt pleins, tantôt déliés. Cela ne formait certes pas un tableau achevé, et pourtant il émanait de cette ébauche examinée à la lumière du jour quelque chose de nébuleux et de décousu qui évoquait bien le clair de lune. Elle plut beaucoup à Yun et tous nos amis calligraphièrent dans les marges des appréciations élogieuses.


Chen Fou, Récit d'une Vie fugitive.

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