Sunday, December 10, 2006

"Marcia Hesse", de Fabrice Melquiot, m.e.s. Emmanuel Demarcy-Mota


Une pièce de théâtre à la fois amusante et grave : 13 à table un 31 décembre, avec l'ombre d'une jeune défunte qui plane.
Portrait piquant d'une famille qui se retrouve dans une grande maison, au bord de la mer, en Bretagne, un soir de tempête, pour fêter le nouvel an. La tempête est aussi au fond des coeurs.
Les conversations glissent, les piques également, l'humour est mordant, le cynisme de rigueur. Chacun s'accroche à son rêve, chacun vit dans sa réalité. Parfois, les destinées se télescopent, et les contours de la tragédie se dessinent, apparaissent, en filigrane de la comédie, et on voit le drame flotter dans la transparence des rideaux éclairés en contre-jour.
Il y a le cérémonial des cadeaux, de l'attribution des chambres. Il convient d'aimer les coquillages, le vin et le foie gras. Il y a des regrets et de l'amour refoulé qui se serrent au fond des gorges. Les mots ne sortent pas toujours, ou alors ce ne sont pas les bons. Chacun se cherche, s'aime, et se déteste à la fois. Les liens du sang, que l'on croyait solides, se disloquent par intermittence, à l'image du sol qui se fendille et se crevasse, entre deux apparitions du spectre de la fille de la maîtresse de maison, cette enfant dont peu de gens osent prononcer le nom, mais qui pourtant donne le titre de la pièce.
La mise en scène est astucieuse et enlevée, admirablement servie par le décor et les effets sonores. Au loin, l'orage gronde, le vent siffle, les vagues se fracassent contre les rochers, et il en est de même de la mémoire de Marcia Hesse. Son souvenir grince dans tous les esprits. Le sapin de Noël est un arbre mort, un corps gît à ses pieds, mais personne ne le voit, ou tout le monde feint de l'ignorer.
Le texte est remarquablement bien écrit. Chaque réplique fuse et se grave dans l'espace théâtral. Le dramaturge est habile à tisser sa rhapsodie.
Les acteurs, fort talentueux dans l'ensemble, portent cette langue tranchante et brillante avec éclat, notamment le comédien Philippe Demarle, qui est irrésistiblement touchant.
"Marcia Hesse" est publié par L'Arche Editeur, 2005, 96 p., 10 €.
Fabrice Melquiot, dramaturge, poète et acteur, rédige un blog :
S.

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1 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Il y a des ombres qui continue d'éblouir. C'est peut-être le but de Marcia. Au centre de tout, elle rayonne dans tous ces faux-semblants et ces non-dits. Et on regarde les pas incertains de cette famille qui a peur, mais qui s'aime, qui est ensemble malgré tout.

"C'est derrière nous, ça brillera".

3:13 PM  

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