Monday, May 19, 2008

Traduttore-Traditore


Lu sur le blog de Pierre Assouline, La République des Livres, le 5 janvier 2008 :

D’où vient la fameuse expression “traduttore-traditore” (traducteur-traître) ? Du latin, certainement. Mais quels en furent les premiers passeurs, les Italiens ou les Français ? La curiosité piquée au vif, le traducteur Bernard Cohen a mené une érudite enquête historico-linguistique pour dissiper le mystère de cette paronomase, cette figure de rhétorique qui consiste à rapprocher des mots aux sonorités analogues mais aux sens différents. Pour l’instant, il a isolé deux sources qui concordent à peu près dans le temps : le chapitre VI de la "Défense et illustration de la langue française" (1549) de Joachim du Bellay, et l’épître “La riposta della Lucerna” dans les "Pistole Vulgari" (1539) de Niccolo Franco. A suivre…

Un rapprochement avec le roman de Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur, s’impose. Il s’agit de l’histoire d’un homme qui achète un roman dans une librairie, le lit, et se rend compte qu’il lui en manque la fin. Il retourne donc à la librairie et le libraire lui donne un autre exemplaire du roman, qui s’avère être un tout autre livre. Le Lecteur va alors s’engager dans une quête de la bonne version du texte. L’œuvre de Calvino est ainsi une suite de 10 romans, toujours commencés, jamais achevés, 10 incipit donc. Il y est question de langue originale, de dialectes perdus, de pays lointains, d’auteur étranger, de traducteurs, etc. Et à chaque fois que le Lecteur croira trouver l’authentique roman, il sera confronté à d’étranges traductions, comme autant de trahisons, les mots semblables se trouvant assimilés. Certains titres de chapitre peuvent donner un bon aperçu de ce genre de rapprochements : Dans un réseau de lignes entrelacées côtoie Dans un réseau de lignes entremêlées.

Il y a par ailleurs dans les Fictions de Jorge Luis Borges un phénomène similaire, plus précisément dans La Bibliothèque de Babel. Il y est question d’une bibliothèque suffisamment vaste pour être comparée à un univers. Les bibliothécaires y naissent, vivent et meurent, sans rien connaître d’un hypothétique monde qui existerait à l’extérieur. Et c’est l’un d’entre eux qui en narre l’existence et le fonctionnement singuliers. La fameuse bibliothèque, censée être infinie, contient tous les livres possibles et imaginables, dans le sens où tout ce qui est exprimable y est consigné. Il y a dans l’ensemble des livres toutes les permutations possibles de toutes les lettres, et ce dans toutes les langues existantes. On peut même y trouver le récit du narrateur, et sa réfutation. Le vertige est saisissant. Il y a là une multiplication exponentielle des sens possibles.

Ce qui m’amène à proposer l’idée suivante : il serait intéressant de créer un logiciel de traduction qui respecterait deux principales contraintes :
1> produire des traductions grammaticalement correctes, afin d’éviter l’écueil des traductions bancales que l’on peut obtenir par le net ;
2> avoir la capacité de générer des combinaisons de mots novatrices dans une langue b à partir d’un texte dans une langue initiale a, en tenant compte du principe de la paronomase, c’est-à-dire ce fallacieux rapprochement des homophones.

Le but d’utilisation d’un tel outil serait de traduire des textes en les trahissant volontairement, et donc par là même de créer de nouveaux textes dont la parenté avec le texte original se perdrait. Une multitude de sens apparaîtrait alors. Un jeu serait de mélanger toutes les versions que l’on pourrait obtenir, et de chercher à retrouver le texte initial, ou de le perdre. On obtiendrait un générateur de textes d’un genre oulipien, mais dont les capacités seraient bien plus vastes et vertigineuses, à l’image de ce qu’a pu imaginer Borges.

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18 Comments:

Anonymous Anonymous said...

la multiplication des sens possible étant le but ou le problème posé ? =)

10:42 AM  
Anonymous Anonymous said...

Si j'ai bien compris le but de ce générateur, c'est de créer une multitude d'adaptation possible à une seule et même histoire, puis de jouer avec les différentes versions proposées. Ce système peut selon moi, se rapporter au point de vue, en l'occurrence, celui du traducteur.Les traductions erronées de textes proviennent essentiellement du point de vue et du choix de vocabulaire, effectué par le traducteur.
Cela m'amène donc à m'intéresser à un autre art, le cinéma. En effet, un bon nombre de films récents, tel que:
- La véritable histoire du petit chaperon rouge,
- Snake eyes,
- Angles d'attaque,
- Reviens moi,
dans lesquels, l'histoire est vue et revue sous différents angles et par différentes personnes, créant ainsi une histoire plus ou moins différente par personnage, allant parfois à mélanger plusieurs versions de l'histoire.
Ce parallèle étant effectué, on pourrait éventuellement imaginer une application de ce générateur pour d'autres domaines que l'écriture.

10:42 AM  
Blogger Cléanthys said...

L : La multiplication des sens est ici envisagée comme un but, en effet. Comme le dit Fingerling, la traduction impose d'elle-même un glissement de sens. La proposition est d'en jouer, afin de, non plus raconter une histoire fidèle, mais une autre histoire.

10:44 AM  
Anonymous Anonymous said...

et perdre le fil de l'histoire si j'ose dire ?

10:44 AM  
Blogger Cléanthys said...

Perdre le fil de l'histoire, j'espère bien oui !

Depuis lors, j'ai lu "L'invention de Morel" de Casares, dans le genre borgésien. Encore une autre façon de s'égarer.

10:45 AM  
Anonymous Anonymous said...

Et finalement, à force de digressions, on arriverait à une bibliothèque infinie et infiniment grande, mais encore une fois le lecteur sera passif face à ce qu'on lui propose.

Pourquoi pas alors, proposer à chaque lecteur de tel ou tel livre d'en faire une traduction, de créer son propre langage ?

Et pour rester dans le genre oulipien je dirai que les lecteurs seraient alors des " rats qui ont à construire le labyrinthe dont ils se proposent de sortir. " comme dit une de leur nombreuse citation. :)

10:45 AM  
Blogger Cléanthys said...

C'est exactement le propos de "La Bibliothèque de Babel". Il y a même des livres qui se perdent, et disparaissent à jamais. Il y a aussi des livres qui ne veulent rien dire, et d'autres que personne ne peut (plus ? pas encore ?) comprendre.

Mais je ne suis pas d'accord sur cette histoire de passivité du lecteur. Le lecteur n'est passif que lorsqu'il ne fait pas l'effort d'"entrer" dans ce qu'il lit.

Quant à inventer son propre langage, il me semble que pas tout le monde n'en soit capable. Donc pour le labyrinthe...

10:46 AM  
Anonymous Anonymous said...

Salut,
ça me fait penser à une problématique de la rivalité, ou du "désir mimétique", concept proposé par René Girard.Je pense que ca pourrait t intéresser parce que René Girard se base sur l analyse de notre littérature pour assoir sa thèse(un peu longue à expliquer ici).
Sinon, Gilles Deleuze a une interprétation intéressante de la pensée platonicienne, autour du concept de "rival".Il n y aurait qu une bonne définition de la Vérité que le lecteur serait amené à débusquer aux côtés de Socrate.Tout au long de la lecture des dialogues, nous serions face à différentes définitions en rivalité les unes avec les autres, un peu comme les films dont parle une autre personne dans un autre commentaire, comme quoi ca va assez loin comme sujet, c est d ailleurs assez délirant comme projet(tour de Babel...), pourquoi pas pousser les choses jusqu à l absurde?

10:46 AM  
Anonymous Anonymous said...

La passivité du lecteur existe, même si tu entres dans le livre à la 10 ième page, la 11 n'est pas blanche pour que chacun y écrive son histoire. C'est une sorte de passivité absorber sans ressortir quelque chose. L'activité est intérieure.

Je pense également que chaque personne peut créer son propre langage, d'ailleurs nous avons tous notre propre langage corporel et il est à la portée de tous de créer son langage, je trouve, que ta position est un peu élitiste.

Tu souhaites une multiplication de sens, mais pas de styles, et donc pas d'ouvertures à différente sorte de communication.

10:47 AM  
Blogger Cléanthys said...

Tu as sans doute raison...

10:47 AM  
Anonymous Anonymous said...

Tout d’abord que bon goût littéraire Calvino et Borges. Génial !!!! Ton idée aussi. J’aimerais revenir sur ton idée de départ, traducteur ou traître. Il y a eu quelque mois auparavant à l’école il y a eu plusieurs conférences autour de cette problématique que entoure la traduction sur tout en se qui concerne la langue des signes (LSF). Lors de cette conférence Brice Mathieussent parle de son activité de traduction de la langue americana et non pas de l’anglais, différence qu’il tien à faire. Activité qu’il définis comme une activité de passage entre un langue vers une autre. Pour lui le traducteur n’est pas un traître mais un passeur. Cette idée de passeur me plaît, on imagine cet être plein des bagages aussi divers qui sont les langues, les penses d’un culture et la manière spécifique du voir le monde, voyage entre culture et culture. Faire de allés - retours pour finalement tel un alchimiste donne une forme différente mais égal au texte l’originel. C’est qui est intéressent et sur tout vertigineux, comme tu le dit, c’est que ici le passeur décide de se perdre volontairement. En toute conscience, il ne gère plus la chose car ce l’outil (le logiciel) que décide de cette nouvelle texte génère de l’originel, mais dont le texte final n’a rien a voir avec lui. Effectivement les possibilités avec un tel outil sont innombrables et presque démoniaques. Imagine que on décide de traduire les textes fondateurs de une société comme les loi ou les droits de l’homme. On ne sais pas ce qui pourrais arriver, certains le droit de l’homme n’ont nulle besoin d’un tel artefact pour être interprète bêtement, instrumentaliser et sur bafouer, mais je pense l’existence d’un tel outil facilitera la tâche.
Au-delà de magnifique instrument intellectuelle qui peut-être ton invention sur tout pour les adeptes et les amoraux de langue. Je pense que la question sur l’utilisation et la mise en pratique d’un tel objet se pose. Pour en finir j’aimerais te parler d’un livre que je lit dans se moment : « Le christ Hébreu » de Claude Tresmontant. Qui traite précisément de cette idée de traduction, de traducteur et sur tout de traître. Il sa mit le dure tache de retraduire le textes de nouveaux testament en grec qui défend l’exégèse comme les originaux et uniques vers la langue hébreu parlée et écrite à l’époque du Christ. A delà des croyances au pas croyances c’est qui est intéressent dans se livre, c’est qu’en défendant la thèse des écritures plus anciennes et d’origine hébreu toutes les bases de notre culture judéo-chrétienne son abolie. Pas plus vertigineux qui être construit sur de mensonges ou mes songes. Tout cela, Comme la dit l’auteur « à la lumière du texte hébreu enfin débarrassé de ses traductions trahisons », débarrassons nous.

6:59 AM  
Blogger Cléanthys said...

C'est amusant, mais j'ai remarqué que tu fais souvent cela, rapprocher des mots qui se ressemblent, mais qui ne veulent pas dire la même chose, comme ici : "construit sur des mensonges ou mes songes". Et voilà qu'un nouveau sens apparaît...

6:59 AM  
Anonymous Anonymous said...

pour faire grain de sable:
d'abord faire gaffe au jeu de mot, de langage ou de sonorité, en poétique c'est la part la plus basse, comme de faire rimer pour rimer, on peut facilement tomber dans de l'effet énygmatique et pseudo poétique, formel, le procédé pauvre. Ensuite j'ai pu le faire et quelques écrivains aussi, utiliser les logiciels de traduction pour traduire et retraduire un texte et constater comme à l'arriver ça n'a plus rien à voir, se créent des percutions de langage, un démentellement de la syntaxe. Telephone arabe. Principe similaire à celui exposé là.

3:52 AM  
Anonymous Anonymous said...

justement ici, la machine à recréer la langue:
http://blog.lignesdefuite.fr/post/2008/06/08/jai-dormi-dans-le-temps

3:24 AM  
Blogger Cléanthys said...

formidable !
quel jouet/outil de travail fabuleux !
merci

7:55 AM  
Anonymous Anonymous said...

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